Saint-Martin d’Ayguebonne, la Renaissance

L’église de Saint Martin d’Ayguebonne seule au milieu des vignes sur le versant faisant face à Candas est depuis plus de mille ans un lieu emblématique pour les paroissiens, les habitants de Montjaux et des rives du Tarn, auxquels s’ajoutent aujourd’hui les touristes et les amateurs de sites chargés d’histoire.

L’église se dresse fièrement sur un replat en retrait au-dessus du Tarn, dépouillée mais toute en simplicité et harmonie, occupant peut-être un emplacement plus ancien dédié à Saint Martin entre les Vième et VIIIème siècles que seules des fouilles permettraient de révéler. Elle est à l’origine de l’appellation de la nouvelle paroisse créée le 25 Juin 2006, la Paroisse de Saint Martin de la Muse et des Raspes officialisée par Mgr Bellino Ghirard évêque de Rodez en présence de nombreux habitants de la région.

Ses murs si modestes en apparence, impressionnants par leur élévation (plus de 12 mètres aux pignons), si bien ouvrés au niveau des petites ouvertures et des arêtes d’angles ont su braver près de mille ans d’une existence mouvementée au risque de disparaître dans l’indifférence générale en ce début du XXIème siècle.

Rappelons en l’histoire à partir des éléments conservés, pas toujours suffisants pour éclairer toutes les époques, et montrons l’intérêt que représente pour le Patrimoine la conservation d’un tel édifice. L’église actuelle pourrait dater selon les historiennes de l’Art Geneviève Durand et Françoise Galès, de la deuxième moitié du XIème siècle soit entre 1060 et 1100 et appartiendrait au Ier Art roman tout en conservant des aspects carolingiens comme le plan dit à « double-boîte », deux espaces parallélépipédiques et inégaux reliés par un grand arc triomphal. Cette période correspond en effet à la mise en place des paroisses dont le but est de rassembler autour d’églises plus spacieuses et leur cimetière des populations jusque-là dispersées appelées à former des communautés plus soudées. Saint Martin a donc constitué la paroisse initiale sur le territoire de Candas-Saint Hippolyte Montjaux, préfiguration de celle de 2006.

Cependant un siècle plus tard à la fin du XIIème siècle le peuplement du bourg de Montjaux jusque là embryonnaire, entre le prieuré de la Chaise-Dieu et le château acquis vers 1172 par le Comte de Rodez (phénomène « d’encastellamento ») amène une fréquentation plus distante de l’église de St Martin pénalisée aussi par la création en 1452 d’une nouvelle paroisse à St Hippolyte. Quelques rares mentions apparaissent, en 1325 « territoire appartenant au seigneur d’Auriac et de Montjaux », en 1404 indiquée comme « église rurale » dans le pouillé de Montjaux. En 1456 l’évêque l’attribue aux chanoines de Salles-Curan avec le prélèvement de la dîme sur les vignes alentours. Malgré quelques aménagements, une frise sculptée (disparue) représentant la passion du Christ et la construction d’une cave voûtée à proximité pour entreposer le vin, les offices s’y déroulent rarement. Les viticulteurs y voient la raison des fréquents orages de grêle qui affectent leurs récoltes. Les guerres de Religion provoquent à Saint Rome de Tarn et ses environs de violents affrontements (églises pillées, toitures mises à bas…). Saint Martin a dû être affecté à tel point qu’une visite pastorale décrit en 1670 la nef sans couverture, envahie par la végétation et le chœur fermé au niveau de l’arc triomphal avec un autel en partie détérioré pouvant encore recevoir les offices. Sous la Révolution en 1791 les vignes alentours sont vendues comme Biens Nationaux, l’édifice religieux déconsacré et sans valeur marchande échoit à la Municipalité de Montjaux qui le laisse sans affectation et sans entretien.

Finalement après la ière Guerre la Commune accorde de gré à gré la propriété de l’église à un viticulteur qui transforme le chœur dont la voûte subsiste en écurie et en grange. Vers 1930 onze éléments de la frise (sur 12) et deux magnifiques chapiteaux préromans sont vendus à un américain pour 2000 francs. Ils avaient été décrits dans le Journal de Millau des 24 Février et 9 Mars 1906. Louis Balsan s’en inquiète mais ne pourra retrouver leur trace et présage en 1957 l’effondrement du Chœur si aucune restauration n’intervient. C’est pour empêcher cette disparition qu’a été constituée en 2012 l’association « Sauvons Saint Martin d’Ayguebonne ». Sous son impulsion le classement de l’édifice sur la liste supplémentaire des Monuments Historiques a été obtenu en 2014 et St Martin restitué à la Commune en 2019. En urgence la mise hors d’eau des arases a pu être réalisée, mais des travaux importants restent à accomplir nécessitant une implication du plus grand nombre.

Alain Douzou (contact : alaindouzou@hotmail.com)
Première publication dans « Chez Nous » journal de la paroisse « Saint-Martin de la Muse et des Raspes »